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Les vertus alliées de la force : la patience

patienceA la lecture du Père Tanquerey dans son Précis de théologie ascétique et mystique travaillons cette semaine la vertu de force, et ses 4 vertus alliées : deux qui nous aident à faire les choses difficiles, à savoir la magnanimité et la magnificence ; deux qui nous aident à bien souffrir, la patience et la constanceAujourd’hui, travaillons la patience :

La patience est une vertu chrétienne qui nous fait supporter avec égalité d’âme, par amour pour Dieu et en union avec Jésus-Christ, les souffrances physiques ou morales. Tous nous souffrons assez pour être des saints, si nous savons le faire vaillamment et pour des motifs surnaturels ; mais beaucoup ne souffrent qu’en se plaignant, en maugréant, parfois même en maudissant la Providence ; d’autres souffrent par orgueil ou cupidité et perdent ainsi le fruit de leur patience. Le vrai motif qui doit nous inspirer,

  • c’est la soumission à la volonté de Dieu
  • et, pour nous y aider, l’espoir de la récompense éternelle qui couronnera notre patience.

Mais le stimulant le plus puissant, c’est la méditation de Jésus souffrant et mourant pour nous. Si lui, l’innocence même, a enduré si héroïquement tant de tortures physiques et morales, et cela par amour pour nous, pour nous racheter et nous sanctifier, n’est-il pas juste que nous, qui sommes coupables et avons par nos péchés causé ses souffrances, consentions à souffrir avec lui et dans les mêmes intentions que lui, pour collaborer avec lui à l’œuvre de notre purification et de notre sanctification, et avoir part à sa gloire après avoir eu part à ses souffrances ? Les âmes nobles et généreuses y ajoutent un motif d’apostolat : elles souffrent pour compléter la Passion du Sauveur Jésus, et travailler ainsi à la rédemption des âmes. Là est le secret de la patience héroïque des Saints et de leur amour pour la croix.

Les degrés de patience correspondent aux trois stages de la vie spirituelle.

  1. Au début, on accepte la souffrance, comme venant de Dieu, sans murmure et sans révolte, soutenu par l’espérance des biens célestes ; on l’accepte pour réparer ses fautes et purifier son cœur, pour maîtriser ses penchants déréglés, en particulier la tristesse et l’abattement ; on l’accepte, malgré les répugnances de la sensibilité, et si on demande que le calice s’éloigne, on ajoute que, malgré tout, on se soumet à la volonté divine.
  2. Au second degré, on embrasse les souffrances avec ardeur et détermination, en union avec Jésus-Christ, et pour se conformer davantage à ce divin Chef. On aime donc à parcourir avec lui la voie douloureuse qu’il a suivie de la crèche au Calvaire, on l’admire, on le loue, on l’aime dans tous les états douloureux où il a passé : dans le dénuement où il s’est condamné à son entrée dans le monde, sa résignation dans l’humble crèche qui lui sert de berceau, où il souffre encore plus de l’ingratitude des hommes que du froid de la saison ; les souffrances de l’exil ; les obscurs travaux de la vie cachée ; les labeurs, les fatigues et les humiliations de la vie publique, mais surtout, les souffrances physiques et morales de sa longue et douloureuse passion. Armé de cette pensée : « Christo igitur passo in carne, et vos eadem cogitatione armamini » (I Petr., IV, 1) on se sent plus courageux en face de la douleur ou de la tristesse ; on s’étend amoureusement sur la croix, à côté de Jésus et par amour pour lui : « Christo confixus sum cruci » (Galat., II, 19) ; quand on souffre davantage, on jette un regard compatissant et amoureux sur lui, et on l’entend nous dire : « Beati qui lugent … beati qui persecutionem patiuntur propter justitiam » ; l’espoir de partager sa gloire dans le ciel rend plus supportables les crucifiements qu’on subit avec lui : « Si tamen compatimur ut et conglorificemur » (Rom., VIII, 17). On en vient même parfois, comme S. Paul, à se réjouir de ses misères et de ses tribulationsi sachant bien que souffrir avec le Christ, c’est le consoler et compléter sa passion, c’est l’aimer plus parfaitement sur terre et se préparer à jouir davantage de son amour dans l’éternité (II Cor., XII, 9 ; VII, 4).
  3. Et ceci nous mène au troisième degré, le désir et l’amour de la souffrance, pour Dieu qu’on veut ainsi glorifier, et pour les âmes à la sanctification desquelles on veut travailler. C’est ce qui convient aux parfaits et surtout aux âmes apostoliques, aux religieux, aux prêtres et aux âmes d’élite. C’est cette disposition qu’avait Notre Seigneur en s’offrant à son Père comme victime dès son entrée dans le monde et qu’il exprimait en proclamant son désir d’être baptisé du baptême douloureux de sa passion (Luc, XII, 50). Par amour pour lui, et afin de lui mieux ressembler, les âmes parfaites entrent dans les mêmes sentiments : car, nous dit S. Ignace, comme les gens du monde, qui sont attachés aux choses de la terre, aiment et cherchent avec beaucoup d’empressement les honneurs, la réputation et l’éclat parmi les hommes… de même ceux qui s’avancent dans la voie de l’esprit et qui suivent sérieusement Jésus-Christ, aiment et désirent avec ardeur tout ce qui est contraire à l’esprit du monde… de sorte que, si cela pouvait se faire sans aucune offense de Dieu et sans scandale du prochain, ils voudraient souffrir des affronts, des faux témoignages et des injures, être regardés et traités comme des insensés, sans toutefois en avoir donné le sujet, tant ils ont de désir de se rendre semblables en quelque manière à Notre Seigneur Jésus-Christ… afin qu’avec le secours de sa grâce nous tâchions de l’imiter autant qu’il sera possible, et de le suivre en toutes choses, puisqu’il est la voie véritable qui conduit les hommes à la vie. Il n’y a évidemment que l’amour de Dieu et du divin crucifié qui puisse faire aimer de la sorte les croix et les humiliations.

Faut-il aller plus loin, s’offrir à Dieu comme victime et demander positivement à Dieu des souffrances exceptionnelles, soit pour réparer la gloire de Dieu, soit pour obtenir quelque insigne faveur ? Assurément il y a eu des Saints qui l’ont fait, et aujourd’hui encore il y a des âmes généreuses qui sont portées à le faire. Mais d’une façon générale on ne peut prudemment conseiller ces demandes : elles prêtent trop à l’illusion et sont souvent inspirées par une générosité irréfléchie qui vient de la présomption. On les fait, dit le P. de Smedt, en des moments de ferveur sensible, et, le temps de cette ferveur une fois passé, on se sent trop faible pour exécuter les actes héroïques de soumission et d’acceptation qu’on avait faits si énergiques en imagination. De là des tentations très rudes de découragement ou même des murmures contre la divine Providence… c’est là une source de beaucoup d’ennuis et, d’embarras pour les directeurs de ces âmes. Il ne faut donc pas demander de soi-même des souffrances ou épreuves spéciales ; si on s’y sent porté, on consultera un directeur sage, et on ne fera rien sans son approbation.

Demain : la constance

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