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La force véritable et parfaite

forceTiré du « Paradis de l’âme » de Saint Albert le Grand :

1 – La force véritable et parfaite consiste à être maître de son âme quand on est tenté par l’orgueil ou l’envie, la colère, la luxure ou l’avarice, la vaine gloire et la complaisance en soi-même, ou par les plaisirs inférieurs : l’âme raisonnable ne consent jamais à toutes ces tentations qu’elle réprime aussitôt. Voilà pourquoi il est dit au livre des Proverbes (ch. 16, v. 32) : « Celui qui supporte patiemment vaut mieux qu’un héros, et celui qui se domine soi-même est supérieur au guerrier qui prend des villes ». Cette force-là, Samson, très courageux cependant, ne l’a pas eue ;  sans doute, il mit en pièces un lion (Juges, ch. 14, v. 6), et avec une mâchoire d’âne il terrassa un millier de Philistins (ch. 15, v. 15, 16), mais ensuite, parce qu’il aimait une femme, Dalila, toute force lui fut retirée (ch. 16, v. 4, 17, 20).

2 – Il a la vraie force, celui qui préserve ses membres et ses sens de tout ce qui est défendu. David ne fut point vraiment fort, lui qui, après avoir tué le lion comme l’ours, et aussi Goliath (Ier Livre des Rois, ch. 17, v. 36, v. 50), n’eut pas la force de retenir ses yeux et de réprimer des regards coupables (IIe Livre des Rois, ch. 11, v. 2). Quoi donc ! Certains ont de la force, et ils en ont beaucoup, quand il s’agit de jeûner, de veiller, de châtier leur corps par des cilices et des disciplines ; et ils sont impuissants à arrêter leurs pas sur le chemin du vice, à préserver leurs mains d’œuvres mauvaises ; ils ne peuvent se retenir d’entendre des paroles nuisibles, et beaucoup moins encore d’en proférer eux-mêmes ! Saint Jacques avait raison de dire : « Toute espèce d’animaux, d’oiseaux, de reptiles, etc., peut se dompter, et a été domptée, en fait, par l’homme ; mais la langue, personne ne peut la dompter : c’est un fléau qu’on n’arrête pas ; elle est remplie d’un venin mortel » (ch. 3, v. 7-8). Et cependant, si on ne maîtrise pas sa langue, il n’y a pas de religion véritable. « Quelqu’un s’imagine-t-il être religieux sans mettre un frein à sa langue ? Il se trompe lui-même, et sa religion est vaine » (ch. 1, v. 26).

3 – Le fait de savourer les douceurs spirituelles conduit à la vraie force ; car l’âme en est fortifiée en vue du bien à faire, pour supporter aussi les adversités, et pour être victorieuse du vice et de tout ce qui lui est nuisible. Jonathas a figuré à l’avance ce goût des délices de l’esprit ; après avoir mangé un peu de miel, ses yeux furent illuminés et il eut la force de poursuivre ses ennemis (IerLivre des Roisch. 14, v. 28). Et Moïse fut tellement réconforté par la suavité que son âme éprouvait de la vision de Dieu et de son entretien avec lui, que, durant quarante jours, il n’eut pas besoin de nourriture. (Exode, ch. 24, v. 18).

4 – La fonction de la force, c’est d’affermir l’intelligence dans la connaissance de Dieu, et la volonté dans l’amour de Dieu et du prochain, de fortifier l’âme au milieu des adversités pour qu’elle ne s’en effraie pas, et en plein succès, afin qu’elle ne s’y laisse pas amollir ; de même, la force excite l’âme à l’exercice continuel du bien, et elle la soutient au point que le mal ne la domine jamais. Cette dernière force, Tobie l’avait en partage ; l’autre était celle de Mathathias et d’Éléazar, de Job et de Daniel. Saint Paul et saint Etienne eurent la première. Celui qui reconnaît en soi-même quelque chose de cela, peut être sans inquiétude : il a la preuve qu’il possède la vraie force.

5 – Et une preuve, au contraire, d’une force qui n’est pas la vraie, mais qui est très mauvaise, c’est de commettre contre Dieu quantité de gros péchés. Saint Anselme dit à ce propos : « Pécher, ce n’est pas être libre, ce n’est pas non plus une partie de la liberté », pécher, c’est bien plus une impuissance qu’un pouvoir, car le malheur et le mal ont sur une personne d’autant plus d’empire qu’elle est capable de faire ce qui n’est pas de son intérêt. « Malheur à vous qui pouvez boire beaucoup de vin, disait le prophète Isaïe, et qui n’êtes forts que pour vous enivrer » (ch. 5, v. 11). Les persécuteurs de l’Église, rois et princes, ont eu jadis cette puissance ; elle est aujourd’hui encore, et elle sera toujours celle de l’Antéchrist et de ses associés.

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