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Le couple chrétien, une seule chair

Nous remercions notre ami Yvan Pelletier, de la Faculté de Philosophie Université Laval de Québec, qui nous permis de publier ce texte sur le couple, qu’il a rédigé en vue de préparer des couples québécois au mariage : 

mariage« Il y a une autre dimension fondamentale du mariage chrétien, mais on y prête peu attention, parce qu’on est habitué à l’expression employée par l’Écriture. Cela nous semble chose tellement évidente qu’on en reste à une interprétation très superficielle. Cette expression est employée, elle aussi, dès le début des Écritures, dans le récit de la Genèse : « L’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair. » (Gn 1, 24) J’ai parlé tout à l’heure de ce que signifie “quitter son père et sa mère”. Maintenant, arrêtons-nous à l’autre partie de cette phrase : “Il s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair”. En entendant l’expression, tu as évidemment pensé à l’union physique des conjoints dans l’acte sexuel. Mais par-delà cette évidence, il y a plus.

Une seule chair, oui, cela se réalise d’abord dans l’union sexuelle, mais, justement, cette union crée un nouvel être, un être un. Adam lui-même dira, en voyant Ève : “Pour le coup, c’est l’os de mes os et la chair de ma chair” (Gn 1, 23), et saint Paul soulignera que le corps de la femme mariée ne lui appartient plus, mais appartient à son mari, et que, de même, le corps du mari ne lui appartient plus, mais appartient à sa femme (voir 1 Co 7, 4). En entendant cela, nous sommes portés à penser, superficiellement et sentimen­talement, que le mariage, c’est un peu la juxtaposition de deux personnes, qui font une seule chair dans l’acte sexuel. Pour un Juif, c’est-à-dire pour le peuple avec lequel Dieu a inauguré la révélation de la vérité, il en va tout autrement. Dans l’anthropologie juive, ou, si on veut, dans la conception juive du mariage, cette seule chair créée par le mariage est permanente et comporte plusieurs rôles. Deux principaux au départ : une tête, l’homme, et un corps, la femme. Comprenons-nous bien, parce qu’ici, il y a une révélation très sérieuse, que peu de gens comprennent.

Tout, dans la façon dont les choses sont créées, dans les personnages et les événements de l’histoire du peuple élu, et dans l’Écriture, tout, absolument tout, dira saint Paul, est une figure de celui qui devait venir : Jésus Christ. Le monde, les étoiles, l’infini, le soleil, la lune, les animaux, les saisons, la naissance, la mort, tout est là pour parler de Dieu, de son amour, des hommes, du péché, de la mort, de la croix de Jésus Christ, de la résurrection… Le couple, par-dessus tout, dans sa constitution, dans les caractères propres à l’homme et à la femme, trouve son explication ultime en Jésus Christ et, en même temps, devient le grand sacrement, comme dira saint Paul (voir Ep 5, 32), du mystère du Christ et de l’Église. Voyons cela de plus près.

Disons d’abord que la dignité égale de l’homme et de la femme, créée d’une côte près de son cœur, est déjà mise en relief dans la Genèse et dans bien d’autres endroits encore. Ici, il ne s’agit pas de mettre cela en doute. Le chrétien a un énorme respect, un émerveillement profond pour la femme, une conscience de sa dignité qui tranche sur toutes les autres cultures. En opposition, par exemple, avec bien des coutumes orientales, qui asservissent la femme à l’homme, qui mettent même parfois en doute sa nature humaine, le fait qu’elle soit animée d’une âme égale en dignité avec celle de l’homme. Bien des religions la traitent en être inférieur, la cachent, la font taire, la rendent responsable des fautes de l’homme : l’Islam, par exemple. En opposition aussi avec des façons de faire plus proches de nous, où on prétend défendre l’égalité de la femme alors qu’en fait on la méprise au point que pour la réhabiliter on ne voit pas mieux que de nier sa féminité et de prétendre en faire un homme. Par cette prétention, et par toutes les plaisanteries qui circulent sur la femme, sur les blondes, on voit que la prétendue libération de la femme est bien superficielle. L’Église ne fait pas un homme avec la femme. Elle reconnaît sa dignité propre, et un rôle original, complémentaire avec celui de l’homme. D’ailleurs, l’être humain que le chrétien vénère le plus, après Jésus Christ, qui est Dieu, est une femme : Marie, sa mère.

Déjà, dans tout l’Ancien Testament, Dieu se révèle comme un Père, il parle de lui comme d’un Époux et d’Israël comme d’une femme, épouse tantôt fidèle, tantôt adultère. En Jésus Christ, tout devient limpide : il est, Lui, le Fils de Dieu, le Nouvel Adam de qui, pendant le sommeil de sa mort, et de son côté ouvert par un coup de lance, Dieu tire l’Église, nouvelle Ève. L’Église, c’est toi, c’est moi, c’est un peuple que Jésus Christ a épousé par amour, pour ne faire avec Lui, avec toi, qu’une seule chair. L’Église, c’est le corps de Jésus Christ; Jésus Christ, c’est la tête de l’Église : tu vois comme on rejoint l’anthropologie du peuple juif, qui portait la vérité sans en connaître tout le sens. »

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