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Les deux fentes dans notre armure par lesquelles Dieu peut s’introduire

Bourguignotte HenriII » Vous ne pouvez laisser Dieu à la porte ; Il a ses moyens de pénétrer dans l’âme. Il y a deux brèches dans nos remparts, deux fentes dans notre armure, deux issues cachées par lesquelles Dieu peut s’introduire. Elles font tellement partie de notre nature qu’il nous est impossible de les changer. Ce sont des trappes construites par Dieu en nous créant. Alors même que notre intelligence barre à Dieu le passage par les faux obstacles à la foi qu’une pensée erronée a dressés, Il peut pénétrer jusqu’à nous par ces portes secrètes que nous n’avons pas su verrouiller.

L’amour du bien

La première, c’est l’amour du bien. Quand nous recherchons une friandise particulière dont la saveur nous attire, ce que notre âme poursuit réellement c’est le tout de Dieu, notre bien infini. La quête du plaisir, l’affection d’un ami, l’approbation d’un enfant pur, la comparaison entre le bien et le mieux, tout cela implique un bien qui surpasse toutes ces choses bonnes, car aucune d’elles ne remplit complètement notre cœur. Tout bien inférieur que nous apprécions implique notre aspiration vers le bien infini, vers Dieu. Dire que nous voulons de bonnes choses mais non pas la bonté qui est la Divinité, c’est dire que nous détestons le soleil mais que nous aimons ses rayons, que nous méprisons la lune, mais que nous aimons sa clarté. Ce n’est pas la substance du soleil qui atteint notre chambre avec le rayon, mais, seulement une participation de cette substance ; de même Dieu n’est pas en partie dans une bonne pomme ou un bon ami, mais une participation de sa bonté y est toujours. Nul ne peut aimer ce qui est bon sans aimer implicitement la bonté, et c’est ainsi que Dieu s’introduit dans l’âme dans chaque désir et chaque joie.

A cause de cette prédilection humaine pour ce qui est bon, aucune vie n’est faite entièrement d’actions qui soient intrinsèquement mauvaises. L’assassin savoure ce qu’il y a de vraiment bon dans un bon dîner ; un voleur est sensible à la vertu d’un enfant ; un bandit distribue de la soupe aux pauvres par pure générosité. Les bonnes actions sont mêlées aux mauvaises. Personne n’est constamment dans l’attitude du persécuteur, du pécheur, du blasphémateur ; parfois un pécheur endurci est occupé à planter un rosier, à soigner un ami malade, à remonter le pneu d’un voisin Il y a en chacun des réserves considérables et cachées de bonté naturelle ; elles continuent d’exister obstinément à côté de la passion dominante, alors même que celle-ci est tournée vers le mal. Quelque chose en nous échappe à la contagion, c’est pourquoi nous ne sommes jamais intrinsèquement mauvais, jamais incurables, jamais « impossibles ». Ceux qui voient nos bonnes actions nous admirent, ceux qui ne voient que les mauvaises nous ont en piètre estime ; cela explique les jugements divergents portés sur un même homme. Quand un être est réduit en esclavage, tenu en captivité par le plein consentement au péché grave, qui fait de ses jours une fuite loin de Dieu vers la luxure ou l’ambition, même alors quelques actes bons et louables contredisent son attitude générale. Ces actes isolés de vertu sont pareils à l’anse propre d’un seau malpropre ; Dieu peut s’en servir pour soulever l’âme jusqu’à Sa paix.

De l’ennui au désespoir

La seconde trappe par laquelle Dieu entre dans l’âme qui Le fuit, c’est l’ennui, la satiété, l’esseulement, la mélancolie, le désespoir.

Quelles que soient les formes du mal que nous ayons choisies, nous n’avons pas épuisé les possibilités du choix — l’âme humaine reste libre — elle peut toujours choisir. Tout plaisir sensuel, toute passion, tout désir du corps est fini, charnel, et une fois satisfaits ils ne réussissent pas à nous contenter. Mais dans la vie du libertin blasé, il y a encore un choix qu’il n’a jamais fait, une corde puissante qui n’a jamais vibré. Il n’a pas essayé de l’infini. Des déclarations comme : « Je connais la vie », et « J’ai tâté de tout » ne sont jamais vraies, parce que les hommes qui parlent ainsi n’ont jamais tenté la plus grande de toutes les aventures. Le riche demande encore : « Que me manque-t-il pour être heureux ? » Il a reconnu, comme tous les chercheurs de sensation, que gratifier tous ses caprices ce n’est pas satisfaire les appétits les plus profonds. Il y a toujours quelque chose d’autre à posséder, quelque chose dont nous avons un besoin urgent. Nous savons, mais nous ne savons pas tout ; nous aimons, mais pas pour toujours. Nous mangeons, et nous avons encore faim ; nous buvons, et nous avons encore soif. « L’œil n’est pas rassasié de voir, ni l’oreille d’entendre » (Ecclé. XII, 25)

Nos efforts pour trouver le contentement dans le temporel aboutissent à l’échec. Car de même qu’il faut l’eau au poisson et la lumière à l’œil, à l’oiseau l’air et à l’herbe la terre, de même à l’âme spirituelle il faut un Dieu infini. Parce que Dieu, pour qui nous avons été créés, est laissé hors de compte, l’âme éprouve le vide, l’ennui de ce qu’elle possède, et le désir ardent de ce qu’elle n’a pas. Cet ennui, c’est la présence négative de Dieu dans l’âme — comme la maladie est la présence négative de la santé dans le corps, et la faim la présence négative des aliments dans l’estomac ; ce vide en nous montre l’existence de quelque chose qui peut le remplirPar cette porte du vide en nous, Dieu entre.

Si nous ne L’admettons pas tout de suite, Il intensifiera l’insatisfaction et la solitude, si bien qu’à la fin nous L’accepterons comme l’invité de notre âme et son hôte éternel.

Fulton Sheen, extrait de « La route du ciel« 

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