Aujourd’hui, voici un très beau texte de jean-Paul II, sur les indulgences, moyen de « dispenser » le trésor de l’Eglise, la Miséricorde de Dieu. Il fut tout d’abord difficile de trouver une illustration à ce sujet… l’idée d’illustrer l’article par ces soldats blessés nous a finalement paru intéressante : l’image de l’homme blessé reflète bien notre condition de pêcheurs souffrants, bien que réconcilié avec Dieu, encore marqué par ces « résidus » du péché qui nous rendent pas totalement ouvert à la grâce. Beau moyen d’aborder le chemin de purification nécessaire vers la plénitude de l’amour sur lequel nous trouvons les indulgences délivrées par l’Eglise… Pour rappel, le canon 992 définit l’indulgence comme : « la rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée, rémission que le fidèle bien disposé obtient à certaines conditions déterminées, par l’action de l’Église, laquelle, en tant que dispensatrice de la rédemption, distribue et applique par son autorité le trésor des satisfactions du Christ et des saints« . Cette définition est tirée de l’encyclique « Indulgentiarum doctrina » de Paul VI et est reprise dans le Catéchisme de l’Église catholique au point 1471 suivie d’une explication.
Jean-Paul II – Le don de l’Indulgence – Audience Générale du Mercredi 29 septembre 1999
1. En étroite liaison avec le sacrement de la Pénitence, se présente à notre réflexion un thème… Je fais référence au don de l’indulgence… Il s’agit d’un thème délicat, sur lequel n’ont pas manqué les incompréhensions historiques, qui ont influencé de manière négative la communion entre les chrétiens. Dans le contexte œcuménique actuel, l’Église ressent l’exigence que cette pratique ancienne, entendue comme expression significative de la miséricorde de Dieu, soit bien comprise et accueillie. En effet, l’expérience révèle que l’on s’approche parfois des indulgences avec des attitudes superficielles, qui finissent par rendre vain le don de Dieu, faisant de l’ombre aux vérités et aux valeurs proposées par l’enseignement de l’Eglise.
2. Le point de départ pour comprendre l’indulgence est l’abondance de la miséricorde de Dieu, qui s’est manifestée dans la croix du Christ. Jésus crucifié est la grande « indulgence » que le Père a offerte à l’humanité, à travers le pardon des fautes et la possibilité de la vie filiale (cf. Jean 1, 12-13) dans l’Esprit Saint (cf. Galates 4, 6 ; Romains 5, 5 ; 8, 15-16).
Toutefois, dans la logique de l’alliance qui est le cœur de toute l’économie du salut, ce don ne nous atteint pas sans notre accord et notre disponibilité .
A la lumière de ce principe, il n’est pas difficile de comprendre comment la réconciliation avec Dieu, tout en étant fondée sur une offre gratuite et abondante de la miséricorde, implique dans le même temps un processus laborieux, dans lequel l’homme est interpellé dans son engagement personnel et l’Eglise dans sa tâche sacramentelle. En ce qui concerne le pardon des péchés commis après le baptême, ce chemin possède son centre dans le sacrement de la Pénitence, mais il se développe également après sa célébration. En effet, l’homme doit être progressivement « guéri » des conséquences négatives que le péché a produites en lui (et que la tradition théologique appelle « peines » et « résidus » du péché).
3. A première vue, parler de peines après le pardon sacramentel pourrait sembler peu cohérent. Cependant, l’Ancien Testament nous démontre qu’il est normal de subir des peines réparatrices après le pardon. En effet, Dieu, après s’être auto défini « Dieu de tendresse et de pitié […] qui tolère faute, transgression et péché », ajoute : « mais ne laisse rien impuni » (Exode 34, 6-7). Dans le deuxième livre de Samuel, l’humble confession du roi David faite après son grave péché lui obtient le pardon de Dieu (cf. 2 Samuel 12, 13), mais non la suppression du châtiment annoncé (cf. ibid., 12, 11 ; 16, 21). L’amour paternel de Dieu n’exclut pas le châtiment, même si celui-ci doit toujours être compris au sein d’une justice miséricordieuse qui rétablit l’ordre enfreint en fonction du bien même de l’homme (cf. Hébreux 12, 4-11).
Dans ce contexte, la peine temporelle exprime la condition de souffrance de celui qui, bien que réconcilié avec Dieu, est encore marqué par ces « résidus » du péché, qui ne le rendent pas totalement ouvert à la grâce. Précisément en vue de la guérison complète, le pécheur est appelé à entreprendre un chemin de purification vers la plénitude de l’amour.
Sur ce chemin, la miséricorde de Dieu vient à la rencontre du pécheur grâce à des aides particulières. Cette même peine temporelle remplit une fonction « médicinale » dans la mesure où l’homme se laisse interpeller pour se convertir profondément. Telle est également la signification de la « satisfaction » demandée dans le Sacrement de la Pénitence.
4. Le sens des indulgences doit être saisi dans le cadre de ce renouvellement total de l’homme, en vertu de la grâce du Christ Rédempteur, par le ministère de l’Eglise. Elles possèdent leur origine historique dans la conscience que l’Eglise antique eut de pouvoir exprimer la miséricorde de Dieu en allégeant les peines canoniques infligées pour la rémission sacramentelle des péchés. L’allègement était toutefois toujours contrebalancé par des engagements, personnels et communautaires, qui assumaient, à titre de substitution, la fonction « médicinale » de la peine.
Nous pouvons à présent comprendre comment par indulgence l’on entend la « rémission face à Dieu de la peine temporelle pour les péchés, déjà remis quant à la faute, une rémission que le fidèle, disposé comme il se doit et à des conditions déterminées, acquiert grâce à l’intervention de l’Eglise, qui, comme ministre de la rédemption, de façon autorisée dispense et applique le trésor des satisfactions du Christ et des saints » (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique, 1471).
Le trésor de l’Eglise existe donc, et il est comme « dispensé » à travers les indulgences. Cette « distribution » ne doit pas être entendue comme une sorte de transfert automatique, comme s’il s’agissait de « choses ». Elle est plutôt l’expression de la confiance totale que l’Eglise a d’être écoutée par le Père quand – en considération des mérites du Christ et, par son don, également de ceux de la Madone et des saints – elle lui demande d’alléger ou d’annuller l’aspect douloureux de la peine, en développant sa fonction médicinale à travers d’autres parcours de grâce. Dans le mystère insondable de la sagesse divine, ce don d’intercession peut être également bénéfique aux fidèles défunts, qui en reçoivent les fruits de la façon propre à leur condition.
5. On voit alors comment les indulgences, loin d’être une sorte de « réduction » de l’engagement de conversion, sont plutôt un soutien pour un engagement plus rapide, généreux et radical. Cet engagement est demandé au point que la condition spirituelle pour recevoir l’indulgence plénière est l’exclusion « de tout attachement envers tout péché, même véniel ».
C’est pourquoi, ceux qui pensent pouvoir recevoir ce don par le simple accomplissement d’attitudes extérieures se trompent. Celles-ci sont au contraire demandées comme expression et soutien du chemin de conversion. Elles manifestent en particulier la foi dans l’abondance de la miséricorde de Dieu et dans la merveilleuse réalité de communion que le Christ a réalisée, en unissant de façon indissoluble l’Eglise à lui-même, comme son Corps et son Épouse.
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